La planche consacrée à la Suisse illustre magnifiquement les principes exposés dans la Préface de l’atlas. Vidal y affirme vouloir « placer sous les yeux l’ensemble des traits qui caractérisent une contrée, afin de permettre à l’esprit d’établir entre eux une liaison ». Il juxtapose à cet effet cartes physiques et cartes humaines et économiques, entourant la carte centrale par six cartons. Chacun de ceux-ci recouvre un espace différent, allant du planisphère à la Suisse propre en passant par les pays alpestres.
Premier précepte : autant de phénomènes primordiaux (le relief, les productions économiques, l’organisation politique, la diversité linguistique et religieuse…), autant de cartes.
D’un pays à l’autre, d’une planche à l’autre, le choix des thèmes analysés varie, pour épouser la diversité du monde, et plus précisément pour viser ce qui est compris alors comme l’incomparable particularité de chaque cas.
Deuxième précepte : à chaque phénomène son espace de référence, le territoire suisse pour la division cantonale, un ensemble franco-italo-allemand pour l’appartenance linguistique, l’Europe de la Baltique à la Méditerranée pour les fleuves, et bien sûr le monde pour le commerce et la banque…
Objectif : la vue synoptique de l’ensemble doit permettre de combiner ces informations hétérogènes en une synthèse de la personnalité suisse. La planche cartographique permet donc à l’esprit de réaliser ce que l’école française de géographie appellera la « combinaison » ou la « synthèse » régionale.
Un principe d’universalité s’impose cependant car, selon Vidal, « aucune partie de la Terre ne porte en elle sa propre explication ». Cela implique d’élargir le cadre de toute enquête locale à d’autres parties du monde et de considérer le monde entier comme la référence indispensable, « en vertu de la généralité des lois terrestres ».
Par ce principe, Vidal de la Blache s’est distingué de ses anciens collègues attachés à la seule géographie locale, en tentant de développer conjointement l’étude régionale et la géographie générale. Un article contemporain de la publication de l’atlas, consacré au « Principe de la géographie générale » (1896), confirme cette orientation. À ce titre, Vidal de la Blache se consacrera à la géographie humaine, surtout à partir de 1898.