La place accordée à chacune des subdivisions de son Tableau de la géographie de la France produit une carte « difforme », une anamorphose traduisant le rôle qu’il accorde aux lieux et aux configurations spatiales dans la formation territoriale de la France. Vidal de la Blache valorise la France du Nord, et particulièrement le Nord et le Nord-Est, siège de la puissance politique et espace d’affrontements qui ont catalysé la formation d’un État. Il dresse une forte opposition entre la France villageoise de l’Est et la France de l’Ouest, paysanne et d’habitat dispersé, qu’il estime fermée à la vie générale. Dans ce Tableau, les Suds sont négligés : ils ont perdu la vitalité culturelle qui les a animés dans le passé.
Dans le détail, Vidal de la Blache valorise particulièrement quelques hauts-lieux de la vie nationale ou religieuse (telles la région de Reims et la Touraine, avec son pèlerinage à Saint-Martin). Il apprécie les contrées volcaniques du Massif central (est-ce parce que sa famille est originaire du Velay ?). Il aime les paysages du calcaire, avec leurs sources jaillissantes. En revanche, il a peu d’affinités pour les paysages granitiques, les « terres froides » couvertes de bruyères, ou encore les eaux dormantes, qui sont objet de répulsion.
Vidal de la Blache entretient aussi avec la France une relation sensible et affective. Les couleurs, les odeurs et les bruits qu’il a saisis sur le vif font partie intégrante des descriptions paysagères qu’il en donne. Son œuvre intègre des notes de terrain riches en émotions et en détails précis glanés in situ.