« Les villes semblent sombres. La lumière du jour pénètre mal dans ces rues et surtout dans ces édifices tout en profondeur, où la place réclamée par l’escalier appartient à des ascenseurs, donnant accès à d’interminables couloirs. La lumière artificielle tient lieu de la vraie. Elle fait partie, au même titre qu’ascenseurs, téléphones, machines à écrire, etc., de cet outillage mécanique qui est entré dans les habitudes. Il ne semble pas qu’on fasse effort pour ménager à l’air et à la lumière le libre accès qui, à nos yeux, est la première beauté d’un édifice. Derrière de superbes façades, les gares ne sont souvent que de noires cavernes enfumées. Le triomphe de la rue, dans ces grandes villes, est le soir, quand, du haut en bas de ces colosses, s’allument les réclames, quelques-unes flamboyant comme des phares au sommet d’une tour. Les lettres grimpent en girandoles lumineuses le long des façades ; les divers métiers cherchent à se distinguer à l’envi. J’ai longtemps été poursuivi par le souvenir de certain œil monstrueux aux paupières mouvantes, qui dans les rues de Chicago, signalait le soir les boutiques d’oculistes »
« À travers l’Amérique du Nord », Revue de Paris (1905)