Paul Vidal de la Blache a eu une longue carrière de professeur, à l’Université de Nancy (1872-1877), à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, puis à la Sorbonne à partir de 1898. Père-fondateur de l’école française de géographie qui s’esquisse autour de 1900, il signe les fameuses cartes murales Armand Colin et l’Atlas général Vidal-Lablache (1894, réédité 8 fois jusqu’en 1941), un manifeste pour une méthode innovante. Il est aussi l’auteur du Tableau de la géographie de la France (1903), qui lui assura la notoriété : il fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1906. S’inspirant de l’écologie naissante et de l’exemple du géographe allemand Friedrich Ratzel (1844-1904), il conçoit une « géographie humaine » d’inspiration naturaliste (« La géographie humaine, ses relations avec la géographie de la vie », 1903 ; Principes de géographie humaine, posthume, 1922).
Fort de ces accomplissements, il lance après Élisée Reclus une nouvelle Géographie universelle qui paraît entre les deux guerres, contribuant au prestige de la géographie régionale française. À l’aube du XXe siècle, ses interventions dans la question du régionalisme, ses plaidoyers pour une modernisation de la « France de demain », lui confèrent enfin une dimension pragmatique et prospective moins connue.
En somme, après une formation de lettré classique à l’École normale supérieure, il choisit précocement de se consacrer à la géographie. Il a une carrière lente et produit une œuvre longuement mûrie par le voyage combiné à la réflexion de cabinet. Homme réservé, il mène une recherche personnelle, mais secondé dans la promotion de cette nouvelle géographie savante par un groupe d’élèves issus de l’École normale et par une revue, les Annales de géographie, qui vit encore.
Paul Vidal de la Blache fut l’un des inventeurs de la géographie du début du XXe siècle et le chef de file de l’école française de géographie. Mais l’élan de ses innovations et de ses intuitions fut quelque peu figé dans la postérité scolaire et universitaire.
Controverses savantes, renouvellement des enjeux environnementaux et géopolitiques, qu’il a affrontés de son temps, éveil de sensibilités aux lieux, qu’il a lui-même cultivées : le contexte contemporain invite à re-connaître le mouvement d’une démarche de géographe.